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Photo du rédacteurMaurice Amaraggi

A EMILE ZOLA SES ADMIRATEURS SALONIQUE 1898



Ces mots et cette date figurent sur la couverture d’un album qui fut remis par les notables de Salonique, autour de Sam Levy, à Emile Zola. Il s’agissait de lui témoigner de leur admiration dans son combat pour Dreyfus.

J’ai découvert l’existence de ce document à la lecture de la petite autobiographie de Sam Levy, "Salonique à la fin du XXè siècle". Il atteste de la force de l’influence culturelle française dans la bourgeoisie salonicienne et de la conception de celle-ci comme faisant partie de l’empire ottoman. Les petites illustrations qui ornent l’album montrent des scènes orientales et des paysages aujourd’hui disparus. Ainsi, la Tour Blanche est entourée de ses remparts, détruits depuis lors. Parmi les pages retrouvées, peu de références au monde juif mais plusieurs se rapportent au monde musulman;: minarets, muezzin.

Les signatures reprennent un grand nombre des patronymes séfarades. Elles sont souvent faites à la plume avec une maitrise de la calligraphie qui a disparue aujourd’hui.

Ca et là on découvre des lettres hébraïques ou arabes. Les titres des signataires accompagnent leur nom. L’album est un témoignage d’une époque qui se termine et du regard que les habitants de la ville portent vers ailleurs, et surtout vers la France.


Le texte de Sam Levy:

Les Sefardis se parssionnaient à l'endroit de l'Affaire qu'ils connaissaient par le menu et suivaient de près heure par heure. L'inique et l'absurde condamnation de Zola les atterra tous. Les Saloniciens eurent une inspiration des plus heureuses. Ils préparèrent un grand album de trente deux pages qu'ils firent décorer par le professeur Zambelli, un des plus célèbres coloristes de toute l'Italie, qui se trouvait à Salonique.




Les trente-deux pages de l'album, sur une marge de plusieurs centimètres, furent enluminés de motifs orientaux: Hanoums exquises, minarets élégants, muezzins au bélvédère, caïques légers fendant l'eau, derviches tourneurs, rabbins à la barbe de fleuve, popes haut mitrés, imams au turban vert ou blanc, femmes juives en costumes bibliques, cafés turcs en plein air, marchands de turqueries, tours, mosquées, églises, synagogues, moucharabiehs, couchers de soleil, firmaments étoilés, cleir de lune et mille autres sujets subjectifs et délicieusement coloriés. Un véritable enchantement ornemental. Le professeur Zambelli lui-même déclarait qu'il avait rarement réussi un ensemble aussi harmonieux, aussi vivant et expressif.



Sur la première page, une très belle adresse en vers lamartiniens, hommage émouvant, magnifiait le beau geste de Zola, geste digne d'admiration, exemple de courage civique sublime, de sacrifice et de dévouement à la Vérité, à la Justice, au Droit imprescriptible, qui doivent guider la société humaine, condamnée sans cela à disparaître.





Les trente et une pages étaient couvertes de signatures et de réflexions en turc, en grec, en bulgare, en jusdéo-espagnol, en hébreu, en français, en italien, en anglais, en allemands, etc trascrites par tout ce que Salonique comptait de notabilités, de représentants de toutes les classes de la société. Le fonctionnaires, depuis le gouverneur général jusqu'au plus humble scribe, les agents consulaires, Monsieur Veillet-Dufrèche en tête; Monsieur Naggiar, vice consul; les corps constitués sans distinction de confession ou de nationalité, les industriels et commerçants; le corps enseignant des écoles officielles et privées; le haut commandement miltaire, les officiers supérieurs et subalternes, bref tout ce qui formait l'élite de la nation tint à honneur de figurer parmi les attestataires qui dépassaient le nombre de cinq mille.




L'album très richement décoré par l'artiste arménien Kérovpé Maxudian, placé dans un emboîtage luxueux fur apporté à Paris par mon camarade Sam Carasso, collaborateur de nos journaux. Avant de le remettre à Zola, nous jugeâmes opporun de faire voir le chef d'oeuvre à quelques personnalités. Ce furent d'abord les familles Dreyfus et Hadamard, Monsieur et Madame Mathieu Dreyfus; les membres de ces deux familles demeuraient en admiration devant la merveille que Salonique avait su imaginer pour offrir en hommage au Grand Français qui symbolisait la Vérité et la Justice. Tous voulaient embrasser les milliers de signatures et pleuraient d'émotion.






Le Grand Rabbin Zadoc Kahn fut enthousiasmé par la finesse du travail éxécuté par le professeeur Zambellli. Les Docteurs Schwartzfeld et Sonenfeld marchaient de surprise en surprise en tournant les pages de l'album; Madame la baronne de Hirsch de même. Après avoir été chez Clémenceau, chez Yves Guyot, chez Bernard Lazare, nous nous rendimes chez Séverine. La grande prêtresse demeura saisie en voyant le travail superbe que Salonique venait de produire. Elle posa l'album sur un tabouret avec infiniment de respect, se mit à genoux sur un coussin et durant de longues minutes, très longues minutes, en des poses héraldiques, tourna et retourna une à une les pages, restant enamourées devant chaque enluminure, laissant échapper des acclamations admiratives. L'émotion nous rendait tous muets. En refermant la précieuse relique, Séverine nous embrassa en disant:


-Je serai avec vous au moment de la remise à Zola de cet inestimable présent.


Elle écrivit elle-même au Maître pour lui annoncer notre visite que Zola fixa au jeudi 10 mai 1898 à 11h du matin.









Le jour de la remise, nous étions une douzaine de personnes: Séverine, Vaughan, Laurent Tailhade, Yves Guyot, Bernard Lazare, Maître Labori, Les Drs. Joseph Zadoc et Jésua, maître André-Lévy Oulman, Sénor saporta, Sam Carasso et moi. L'accueil qu nous réservèrent Monsieur et Madame Zola est difficile à décrire. Quelle joie manifestèrent nos illustres hôtes! Avec quel amour ils reçurent l'album, le déplièrent et se plongèrent dans la plus béate contemplation. En tournat la dernière page et fermant le volume comme à regret, Zola, les yeux baignés de larmes nous dit:


- Mes amis j'ai reçu jusqu'à ce jour beaucoup de marques d'estime, énormément de lettres, un très grand nombre de présents. Rien ne vaut un souvenir aussi précieux que ce magnifique album. Qui a eu la première idée de cet inestimable envoi? Qui dois-je remercier? Je tiens à exprimer toute ma sympathie qui me va droit au coeur et me réconfonrte de bien de misères. Je voudrais les embrasser tous. Demain ou après-demain je vous adresserai un petit mot avec une prière de le communiquer à mes amis inconnus de Salonique.


Ce disant , le maître de céans nous embrassa "les deux sam" sur les deux joues. Minutes pathétique! Les quatorze nous étions remués jusqu'aux entrailles.






Deux jour splus tard nous recevions le billet suivant:


Messieurs,


Veuillez dire à tous les habitants de Salonique ui ont mis leur signature sur l'Album que vous m'avez offert en leur nom, veuillez dire à tous les vos compatriotes combien j'ai été touché et fier de cet hommage au milieu de la lutte amère que je soutiens encore.


Cet Album où toutes les croyances religieuses se coudoient, cet Album avec sa richesse, avec ses miniatures délicates où resplendit le soleil de l'Orient, m'apporte, comme dans un flot de lumière, du réconfort et du courage. Merci de ne pas désespérer, de croire avec moi à la vérité, à la justice. Mais surtout ne désepérer pas de la FRANCE. Elle est toujours une grande nationg énéreuse, vous verrez qu'elle étonnera prochainement le monde par le réveil de son âme, où la passion des nobles causes n'a pas cessé de brûler. Je vous embrasse fraternellement. Paris, 14 Mai, 1898








J'ai pu retrouver l'archive de l'Album de Salonique sur l'excellent site http://eman-archives.org/CorrespondanceZola/items/show/366 et je remercie tout particulièrement Jean-Sébastien Macke pour son aide qui m'a permis d'entrer an contact avec Madame Brigitte Emile Zola. Celle-ci m'a autorisé à reproduire ce document. L'archive vient également avec les lettres du comité directeur à Zola que je reproduis ici. L'apprentissage des pleins et des déliers s'est perdu, tué par les stylos billes. Elles sont un hommage à l'école de l'Alliance Israélite Universelle où la majorité des signataires firent leurs études.





















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